La Municipalité engagée pour promouvoir la Transition Energétique

En interview pour la « Banque des territoire » dans le cadre du « Printemps des Territoires 2021 »  évoquant  l’Efficacité Energétique des Bâtiments.

Sensible aux questions liées aux enjeux environnementaux, il m’est rapidement paru évident qu’une action forte de la Municipalité devait être engagée pour promouvoir la transition énergétique.

Un plan d’actions a été établit à la suite d’un diagnostic poussé (Bilan GES, Bilan Carbone, Diagnostic de vulnérabilités à court, moyen et long terme). Pour Grasse, 30 actions sur 49 concernent l’axe « Poursuivre l’exemplarité de l’action publique ». Parmi ses priorités, on retrouve, entre autres, la maîtrise de la consommation de l’éclairage public et l’élaboration d’une stratégie globale de maîtrise de l’énergie.

Aujourd’hui à Grasse 33 000 m2  sont concernés par la rénovation énergétique, les 23 écoles maternelles et élémentaires grassoises sont concernées ce qui représente 21 % de la surface des bâtiments publics.

Je vous propose de retrouver les questions/réponses évoquées lors de cette interview.

Je remercie Annie DUVAL, adjointe déléguée à l’écologie, au développement durable et à la transition écologique, pour son accompagnement et son engagement en faveur des politiques publiques que nous portons, accompagnée par  Carine Giovinazzo « Econome de flux », poste que j’ai souhaité créer en 2015.

Objectif : toucher les autres collectivités, les inciter à s’engager dans la transition énergétique. Pourquoi un élu se saisit de la problématique de la transition énergétique alors que nous avons du mal à massifier les travaux d’efficacité énergétique ?

• Pourquoi avoir choisi de se lancer dans la transition énergétique ?
A partir des visites de terrain réalisées, j’ai pu me rendre compte des multiples enjeux liés à la transition énergétique.
o Enjeu climatique/urgence climatique :
 Prise en compte de l’enjeu climatique, la maison brûle et nous regardons ailleurs.
 Une étude de vulnérabilités a été réalisée lors de l’élaboration du Plan Climat Energie Territoriale (PCET) en 2013 et les résultats sont terrifiants : accentuation de la fréquence et de l’intensité des évènements extrêmes, augmentation des périodes de fortes chaleurs : 1 été sur 2 sera semblable à 2003 – canicule européenne – d’ici la fin du siècle, diminution des précipitations moyennes annuelles, augmentation des températures moyennes jusqu’à 2,1°C supplémentaires en 2030  ces prévisions sont déjà là et il faut agir. Anecdote : la tempête Alex a touché lourdement les Alpes-Maritimes, les sirènes de la ville ont retenti lors des alertes rouges pluies et vents violents, du jamais vu.
 Le confort thermique d’été est important, nous devons faire face à des températures importantes entre le mois de juin et septembre, où des enfants ont fait des malaises dans les écoles, se posant la question de « doit-on laisser les écoles ouvertes pendant ces périodes ? » ce qui est difficile à gérer avec les parents d’élèves et l’éducation nationale, en plus de donner mauvaise presse.
o Enjeu des occupants/qualité du bâtiment :
 Les travaux effectués permettent d’améliorer les conditions d’accueil des occupants et d’assurer une continuité de service public. Anecdote : certains travaux ne sont pas visibles pour les habitants, comme changer une chaudière mais si je ne change pas une chaudière qui arrive en fin de vie, et que j’attend qu’elle ne fonctionne plus, je vais devoir commander en urgence une nouvelle chaudière sans avoir préalablement eu le temps de bien la choisir et pendant les 2 semaines de travaux, il faudra continuer à chauffer les locaux : avec des convecteurs électriques très consommateurs, et de manière inefficace avec des températures insuffisantes (15°C contre 21°C par exemple).
 Dans la terminologie « rénovation énergétique », il y a rénovation. Agir sur cette thématique permet d’entretenir le patrimoine, en changeant les fenêtres vétustes, en isolant par l’extérieur et donc en réalisant un ravalement de façade, etc. Le bâtiment est donc plus qualitatif, et gagne en temps de vie. Cela permet également de traiter d’autres composantes comme la fonctionnalité, l’accessibilité, le numérique, etc.
o Enjeu de l’attractivité :
 Dans le cadre du dispositif Action Cœur de Ville, un des axes majeurs est réhabiliter, rénover et compléter les équipements générateurs de flux et facteurs de qualité dont les équipements du quotidien comme les écoles pour assurer une attractivité résidentielle.
o Enjeu financier :
 Malgré le climat plutôt doux de la région – la rigueur climatique est moitié forte moins que dans le nord de la France, la dépense liée à l’énergie est très importante. Nous devons agir pour ne pas nous mettre en situation de précarité énergétique.

Anecdote : plus je dépense de l’argent pour payer les factures d’énergie moins je le dépense pour d’autres choses comme la création d’espaces verts, la requalification d’une voirie, etc.

Contexte : logique de poursuite de l’action communale : depuis 2010, un économe de flux est présent à la ville de Grasse permettant de proposer, de suivre et de mettre en œuvre des solutions et travaux d’amélioration énergétique avec notamment des contrats dits de performance énergétique.

Pourquoi avoir cibler les écoles ?
o Périmètre : 23 écoles maternelles et élémentaires représentant 33 000 m² et 400 000€ de factures de fluides. A savoir, que la ville de Grasse compte plus de 275 bâtiments communaux (stades, bureaux, logements, etc.) sur plus de 160 000 m². Les écoles représentent donc 20% de la surface des bâtiments communaux et 20% % du budget total de la ville pour les fluides
o Il s’agit d’une cible privilégiée :
 Enjeu pédagogique : les écoles sont énergivores et représentent 25% de la consommation d’énergie du parc bâti et 20% de la consommation d’eau.
 Les bâtiments sont occupés quotidiennement, par l’enseignement, les activités périscolaires et les associations.
 Les occupants de ces établissements sont jeunes et fragiles, une attention particulière doit être apportée au confort thermique et à la qualité de l’air.
o Aucun changement d’usage, aucun projet de revente, de restructuration n’est prévu pour ces bâtiments : les écoles sont des bâtiments pérennes.
o Les enfants sont le public idéal à sensibiliser sur les bonnes pratiques des gestes quotidiens.
o Anecdote : quand je visite une école pendant les vacances scolaires, et que la moitié de l’école est encore chauffée alors qu’il n’y a personne en raison d’un manque de régulation sur cette zone, je me dis qu’il est possible de mettre en place de solutions peu couteuse mais intelligente.

Comment vous vous y êtes pris ?
o Un pré-ciblage des bâtiments les plus énergivores a été réalisé préalablement par les services techniques de la ville. Les écoles sont ressorties comme les plus énergivores.
o La ville de Grasse a profité de l’Appel à Manifestation d’Intérêt lancé par la Caisse des Dépôts en collaboration avec l’ADEME fin 2016, pour réaliser des audits énergétiques sur toutes les écoles permettant de mettre à plat le sujet de l’efficacité énergétique sur une typologie de bâtiment. En complément, une étude juridique et financière a permis de définir comment mettre en place la stratégie de rénovation de ces bâtiments.
o Il était important pour nous de travailler sur une typologie de bâtiment pour construire une stratégie patrimoniale complète avant de la dupliquer sur d’autres typologies comme les bâtiments culturels, sportifs, administratifs, etc.

Qu’est-il ressorti de ces études ?
o Ces études nous ont permis d’avoir un regard extérieur sur notre patrimoine.
o Ces études nous ont fait prendre conscience de l’importance de travailler en coût global : si 25% du coût total correspond à la construction, il n’en reste pas moins 75% lié à l’exploitation et maintenance. Nous pouvons encore agir sur ces 75%.
o Nous avons pris conscience également du coût de l’inaction : moins j’en fais aujourd’hui, plus cela me coutera demain. Par exemple à l’échelle des écoles grassoises, si nous ne faisons rien, les charges de fonctionnement (énergie, eau, entretien bâtiment et équipements) augmenteront en 10 ans de 40% soit 500 000€/an (1,23M€  1,72 M€). Ce scénario du laisser aller montre la nécessité d’agir afin de répondre à une nécessité matérielle, à l’urgence climatique, au cadre réglementaire, et de réduire les charges tout en assurant un service aux occupants.

Comment lutter contre le réchauffement climatique ?
o Premièrement, nous agissons, à notre échelle – effet colibri –, pour diminuer notre empreinte carbone en diminuant nos consommations énergétiques et en optant pour de l’électricité et du gaz 100% renouvelables en plus des actions qui sont entreprises dans les autres domaines que sont la mobilité, l’alimentation en circuit court, etc.
o Deuxièmement, nous subissons les effets du réchauffement climatique et nous mettons en place des mesures d’atténuation comme la végétalisation des espaces publics avec à l’étude le traitement d’une cour d’école, la mise en place de solutions passives comme des stores extérieurs ou des casquettes empêchant les rayons du soleil de rentrer dans les bâtiments l’été. Anecdote : l’idée, ce n’est pas de climatiser à tout prix, on ne combat pas le mal par le mal, si je climatise les locaux, je rejette de la chaleur dehors et je consomme de l’énergie.

Comment financer les travaux d’efficacité énergétique ? Pourquoi avez-vous choisi la démarche « intracting » ?
o C’est donc un cercle vertueux.
o La ville de Grasse a opté pour le dispositif dit « Intracting », avec un abondement à 100% de la Banque des Territoires, pour financer la phase 1 de son plan rénovation des écoles dont la mise en place est en cours. La philosophie de ce financement est que les économies générées viennent rembourser l’investissement initial. Anecdote : A Grasse, c’est très parlant, pour 56 000€ dépensés par an, nous faisons 66 000€ d’économies ; sans compter le coût de l’énergie qui augmente chaque année. Dans cette phase, ce sont les petits travaux dit à gain rapide qui sont réalisés comme l’isolation partielle des locaux, le changement des luminaires, l’amélioration des systèmes de chauffage, etc. mais aussi la mise en place de dispositifs hydro-économes car nous travaillons également sur la réduction de notre consommation d’eau.
o Dans une deuxième phase (2022), une rénovation plus ambitieuse sur une école sera réalisée grâce aux économies générées. Il s’agit d’une rénovation lourde permettant de diminuer les consommations de 75% tout en incluant d’autres critères environnementaux comme l’utilisation de matériaux biosourcés et la mise en place d’énergies renouvelables.
o La Banque des Territoires nous a accompagné dans le montage financier de cette opération en nous présentant le dispositif « intracting » et en réalisant plusieurs simulations. Finalement, un taux préférentiel de 0% a été accordée en contrepartie d’un partage des recettes liées à la vente des certificats d’économies d’énergie (CEE) obtenus grâce à ces travaux. Ce taux de 0% contre les 0,25% habituels s’explique par le fait que les travaux sont inscrits dans un marché de performance énergétique : on parle d’intracting sécurisé. Ce dispositif a donc été jugé intéressant, novateur et incitateur pour la ville de Grasse.

Que recommanderiez-vous à vos compères ?
o Les collectivités se doivent d’être exemplaires, de montrer la voie pour les particuliers et les professionnels. Ces travaux permettent de communiquer sur l’enjeu de la transition énergétique et d’encourager les habitants qui hésiteraient à investir dans de tels travaux.
o En tant qu’élu, nous devons être à l’écoute des habitants et l’enjeu environnemental est une préoccupation de nos administrés.
o Les gains sur le territoire sont importants avec la génération d’emplois et la professionnalisation et la montée en compétences des entreprises locales.
o De s’inscrire dans un effort de mobilisation d’urgence, avec pour objectif l’atteinte de la neutralité carbone le plus rapidement possible.
o Une mobilisation collective et simultanée de sa collectivité, et si possible des autres acteurs du territoire comme cela a été fait pour le Plan Climat Energie Territorial (PCET) à l’échelle de l’Ouest des Alpes Maritimes avec les villes de Cannes et Antibes et leurs agglomérations.

o Actions faites pour les générations futures, au-delà de la période du mandat.

Quels sont les obstacles rencontrés ? Est-ce compliqué ? Comment ne pas se décourager ?
o Il y a le temps des études qui peut être long (1 an et demi) mais qui est nécessaire pour maitriser le sujet et l’aborder sous toutes ses coutures.
o Les montants des investissements sont très importants avec des temps de retour sur investissement souvent très long comme le remplacement des ouvrants rentables à partir de la 100ème année. Par exemple, pour rénover toutes les écoles de la ville, il faudrait plus de 13 millions d’euros uniquement pour le volet énergétique.
o Le volet énergétique doit s’intégrer dans l’éventail d’actions accessibilité, qualité de l’air, amiante, plomb, etc. sans grever le budget.

• Quels sont les clés pour y réussir ?
o La transversalité des équipes en interne que ce soit le technique, le financier, les marchés publics, la vie scolaire, le contrôle de gestion, le chef de projet Action Cœur de Ville, etc.
o De l’écoute : les occupants ont été consultés, c’est eux finalement qui connaissent le mieux le bâtiment.
o Des études de qualité et une réflexion portant sur tous les aspects du bâtiment, comme « est-ce que je ne change que la chaudière » ou « est-ce que j’en profite pour refaire l’isolation et baisser la puissance de celle-ci » ?
o L’accompagnement des experts de la Banque des Territoires qui nous ont aidé dans notre démarche patrimoniale et qui nous ont permis, dans le cadre de l’AMI (Appel à Manifestation d’Intérêt), d’être en contact avec d’autres communes, nous ne sommes pas seuls.
o De faire des choix

• Pourquoi un montage MGPE (marché global de performance énergétique) ?
o La ville de Grasse a lancé un MGPE, en groupement de commande avec la CAPG et la ville de Peymeinade. Il fait suite à un premier contrat de ce type qui avait permis de réaliser 25% d’économies d’énergie. C’est donc la suite logique.
o Ce type de marché avec une procédure de négociation permet aux exploitants de proposer des solutions génératrices d’économies d’énergie auxquelles nous n’aurions pas pensé. L’avantage majeur est la garantie de résultat : nous partageons 50% des économies avec le titulaire du contrat, par contre ; s’il y a une dérive non maitrisée, c’est lui qui prend à sa charge ce dépassement. C’est un choix sécurisant.