Il est des moments où, comme dans une poésie de Lamartine, le temps suspend son vol. Ce sentiment nous assaille lorsque la nuit d’été tombe sur les frondaisons subtiles du jardin de la Villa Fragonard à Grasse. Si, en plus, la musique classique se met à résonner en ce lieu, le moment peut atteindre la beauté d’un rêve.

C’est ainsi que nous avons vécu, vendredi, l’ouverture du festival des « Instants de Grasse ».

Nous avons atteint d’emblée le sommet de la soirée – et à coup sûr l’un des points culminants du festival – avec la 3ème. sonate pour violon et piano de Beethoven. Elle apparut parfaite sous l’archet de Boris Blanco et sous les doigts d’Elsa Bonnet. Monsieur le directeur (car Boris Blanco est le jeune directeur du festival) joua avec un phrasé exquis, une assurance de maître, une subtilité de poète. Quant à la pianiste, cette virtuose raffinée au jeu scintillant fut une partenaire idéale.

Beau moment, aussi, que celui où la violoncelliste Caroline Sipniewski, apparue dans une robe aux reflets dorés dont la couleur aurait pu être empruntée à un tableau de Fragonard, fit vibrer les notes précieuses de l’adagio d’une sonate de Beethoven qui appartiennent à l’éternité.

On entendit le huitième des quatuors du même Beethoven. Quels sont les festivals qui programment, aujourd’hui, des quatuors ? Il y en a si peu ! Or le quatuor à cordes recèle quelques uns des plus hauts chefs d’oeuvre de l’Histoire de la musique. Le Quatuor Agate nous offrit le bonheur d’en entendre un. On aima leur son jeune, leur dynamisme, ainsi qu’une évidence recherche de travail ciselé, digne de la pierre précieuse dont ils portent le nom .

La soirée fut ouverte par le maire Jérôme Viaud. Cette homme politique qui « connaît la musique » par le fait-même qu’il a fait ses études au conservatoire, s’est engagé à soutenir, voire amplifier, le festival dans les années à venir. Ses mots ont résonné aussi fort dans nos oreilles que les sonates de Beethoven qui ont suivi…

André PEYREGNE

Nice-Matin