Retour sur mon déplacement à Bruxelles

Hier mardi 25 avril, j’étais à Bruxelles pour défendre les produits naturels et la naturalité, auxquels sont attachés les Grassois tout comme une majorité grandissante de consommateurs en Europe. Il y a des journées où il faut savoir se lever tôt – celles où je vais à Bruxelles en font partie, non seulement parce que le premier vol de Nice décolle à 5h15 du matin mais surtout parce que les décisions que vont prendre les institutions européennes auront de lourdes conséquences sur notre territoire et ses producteurs de plantes à parfum et huiles essentielles.

Ceci vaut bien une nouvelle journée de rencontres pour l’expliquer et contribuer à l’amélioration des propositions de règlementation des ces filières et secteurs – qui étaient d’ailleurs présents en force à Bruxelles pour une audition au Parlement européen où j’ai rejoint #PhilippeMASSÉ le Président de Prodarom, #EricANGELINO Vice-président de Mane, #ManoloDONAIRE le président de l’Association européenne des huiles essentielles, et #AuréliePERRICHEL directrice région Europe de l’#IFRA.Centre névralgique de la Commission européenne, je suis arrivé au Berlaymont – le bâtiment de ses services généraux – pour rencontrer #LaurianeBERTRAND, membre du cabinet de la commissaire #MariyaGABRIEL, en charge de la recherche, à l’innovation, à l’éducation et à la jeunesse, que je remercie pour son écoute attentive et le temps qu’elle a consacré à notre échange, plus long que prévu en raison de plusieurs intérêts communs :

➡️ L’innovation, qui doit conjuguer performance et sécurité – ce que le secteur des parfums et cosmétiques démontre depuis des années en lançant de nouvelles gammes de produits toujours aussi sûrs mais aussi durables, voir même de plus en plus bio, ce qui m’a permis de souligner l’atout que représentait les produits naturels pour ce secteur européen qui exporte dans le monde entier ;

➡️ L’éducation, alors que 2023 est l’année européenne des compétences, je lui ai présenté dans les grandes lignes Grasse Campus et les écoles qui s’y sont installées pour proposer une offre de formation étoffée et professionnalisante dans un secteur exigeant, dans tous ses métiers, de la vente à la création. Nous allons voir si l’Europe peut nous aider à accélérer dans cette voie, bien engagée avec cette année plus de 1000 élèves et étudiants à Grasse.

➡️ Le patrimoine, une fierté à Grasse que nous avons la chance en France de partager avec tant d’autres villes et territoires d’histoire, de nature et de culture – ces trois piliers qui ont façonné des paysages, fait naître des traditions et forgé des identités dont l’héritage est d’une telle diversité et richesse qu’il fait de l’Europe un terreau toujours aussi fertile à la créativité. Je lui ai annoncé la constitution du Club européen des villes de parfum et ai invité la Commissaire Gabriel à participer au lancement parisien du Club le 1er juin.

Je remercie le bureau européen du Groupe LVMH, #GaëlleLEMAIRE#BenjaminNEYT pour notre rencontre qui m’a permis d’aborder aussi bien les projets du groupe à Grasse, toujours enthousiasmants, et les dossiers règlementaires à Bruxelles, sur lesquels nous avons partagé notre analyse, clairement convergente. Au Parlement européen, c’est le député LR et ancien ministre #BriceHortefeux qui nous a ouvert sa porte, pour discuter des travaux parlementaires qui viennent de commencer sur le règlement CLP et comment il traite du sujet des huiles essentielles, que Brice HORTEFEUX connaît bien, étant de la région Auvergne-Rhône Alpes. Que ce soit dans la Drôme ou les Alpes-Maritimes, nous avons aussi abordé ces enjeux qui dépassent les frontières départementales : l’eau, l’artificialisation des sols, les prix de l’énergie ou des matières premières. Un contexte qui montre que si l’on peut arbitrer en faveur de l’environnement, ce que le Parlement européen fait quasi-systématiquement, on ne peut plus arbitrer contre l’économie, celle de l’Europe restant fragile, notamment à cause de l’inflation et des incertitudes sur la guerre en Ukraine. Ce ne sera pas facile sur des règlementations comme CLP et REACH qui sont par leur essence même dédiées à la protection de la santé et de l’environnement mais nous trouverons le moyen de rééquilibrer les présentations afin de continuer à concilier les deux.

A 15h, je rejoignais une salle de réunion du Parlement européen bien remplie, pour l’audition sur les huiles essentielles. Les débats, qui ont duré plus de deux heures, ont porté sur l’impact de la révision des règlementations européennes en matière de chimie (révision des règlements CLP et REACH) sur les huiles essentielles en particulier, ce qui a permis à nos représentant grassois de présenter leur savoir-faire mais aussi hélas leurs inquiétudes par rapport au texte.

L’audition était co-organisée par des députés européens -français, roumain et grec-, en collaboration avec la Fédération européenne des Huiles Essentielles (Efeo), ce qui a permis aux Grassois que le maire était venu appuyer de venir en force à Bruxelles autour du Président de Prodarom, Philippe Massé.

J’ai apporté un témoignage sur le volet socio-économique de ce dossier, qui est sinon abordé sous un angle scientifique – puisque la science est une fois encore le problème et la solution. J’ai d’abord voulu rappeler qu’« à Grasse, comme ailleurs en France et en Europe, nos producteurs ont investi dans des productions naturelles, souvent bios, qui soutiennent la qualité des produits finaux mais aussi la biodiversité dans nos territoires – la filière des plantes à parfums, aromatiques et médicinales façonne nos territoires et les traditions un peu partout en Europe. Elle est au cœur du mode de vie européen. » Souvent, ces introductions manquent d’exemples et j’ai donc choisi d’évoquer que « Au prix d’efforts et de batailles menées avec ma majorité municipale, qui a tenu bon face aux pressions de toute part, nous avons repris 70 hectares de terres qui étaient promises à l’urbanisation pour les rendre à l’agriculture ».J’en suis alors venu à une inquiétude partagée par la filière et ses utilisateurs pour le secteur des parfums et cosmétiques : « La nouvelle règlementation européenne n’a pas été pensée pour les huiles essentielles : elles sont naturelles et vous demandez à la filière d’en analyser la composition comme s’il y avait sur chaque plante une liste d’ingrédients qu’il suffirait de scanner pour avoir celle de l’huile essentielle qu’on en extrait ! Mais ce travail n’a jamais été fait pour des produits naturels. Combien de temps faudra-t-il pour développer des études ? Qui va les mener ? Qui va les payer ? Et leurs résultats seront-ils incontestables ? » Ces questions sont revenues plusieurs fois dans d’autres interventions, aussi bien de l’industrie que de la société civile, car nous avons été nombreux à réclamer à la Commission européenne des précisions sur l’application pratique des futures obligations. Nous sommes plutôt restés sur notre faim car la Commission a d’une part été très prudente dans ses propos et d’autres part plutôt vague quand elle a dû développer la manière dont les études seront demandées, réalisées et traitées, reconnaissant qu’il n’y a avait à ce jour aucun protocole commun aux pays européens pour commencer ces recherches scientifiques.

A l’instar des autres participants, je m’en suis inquiété et ai voulu aller au bout de cette logique pour alerter la Commission sur les conséquences pratiques que cette impréparation signifiait pour les producteurs, artisans et entreprises de la filière et les territoires qui en vivent : « La Commission européenne a toujours dit qu’il ne s’agit pas d’interdire les huiles essentielles et vous avez en effet laissé dans votre projet de loi une porte ouverte, dîtes-vous, pour les huiles essentielles : celle des études scientifiques. Mais d’ici à ce que la science produise les résultats qui vont convaincre les acheteurs de continuer à se fournir en huile essentielle en Europe, combien de temps se sera écoulé ? Je vais vous le dire : le temps d’installer une incertitude dans la tête des utilisateurs, notamment étrangers, et une méfiance dans celle des consommateurs chez nous, qui les détournera de ces produits. Alors oui, c’est vrai, vous n’aurez plus à interdire les huiles essentielles : leurs producteurs auront mis la clé sous la porte et leurs productions re-partiront à l’étranger, dans des cultures dont je doute qu’elles seront bios, et tout ça alors que ça nous avait pris plus de 30 ans, à Grasse, pour enfin les faire revenir ! ».J’avais noté que lors des premiers échanges au Parlement européen sur le texte de la Commission européenne relatif à CLP, tous les députés qui ont pris la parole avaient fait part de leurs réserves sur l’analyse des conséquences socio-économiques des mesures proposées, parfois aussi leur proportionnalité, un point sur lequel je suis revenu en conclusion : « L’impact socio-économique de votre approche sera dramatique si vous n’améliorez pas ce volet capital de vos propositions. Le 1er juin, je lance à Paris un Club de maires de villes européennes qui, comme Grasse, ont des cultures, une activité ou tradition liées aux huiles essentielles, au parfum ou aux arômes. Avec les maires de Kazanlak en Bulgarie, de Kluj-Napoca en Roumanie, de Murcia en Espagne et d’autres encore, de toute l’Europe, nous allons porter la voix de ces territoires et de ce patrimoine européen qui se sentent menacés, pour que l’exceptionnelle qualité de la production européenne soit reconnue, y compris en matière de santé publique, de sécurité et d’environnement. Avec notre expérience de maire, et celles des producteurs, entrepreneurs, associations, citoyens et consommateurs dans nos communes, nous porteront des solutions issues de la pratique chez nous et je suis convaincu qu’en les travaillant au niveau européen, on améliorera les projets qui sont aujourd’hui sur la table des institutions européennes. »Je veux remercier les organisateurs de cette audition, les députés Spiraki, Rivasin et Busoi parce que pendant plus de deux heures – qui sont pourtant passées rapidement – sur ce sujet à la fois technique et passionnel, les échanges sont restés non seulement courtois et concis mais aussi constructifs qu’ils ont été, au fond, contradictoires. Et même si nous n’en sommes qu’au début de la procédure, plusieurs signaux positifs ont été adressés à la filière des huiles essentielles, d’abord par la Rapporteure de la commission de l’Environnement du Parlement européen, Maria Spiraki, qui a cherché à introduire un traitement distinct pour les produits naturels, adapté à leurs spécificités. J’ai également pu échanger avec le Président de la commission parlementaire de l’Industrie, Cristian Busoi, qui restera vigilant aux mesures qui aurons un impact sur la compétitivité des secteurs que la filière fournit en Europe.

Si la journée fut dense en informations, parfois très techniques, je reste convaincu que la décision sera politique et que la science ne suffira pas à préserver les produits naturels des excès règlementaires ou de choix politiques qui peuvent avoir un impact rapide, violent et catastrophique. Tout en s’éloignant du scénario catastrophe dans le discours, le debriefing que j’ai fait avec les représentants des secteurs présents à la réunion montrait quand même de sérieux doutes sur la méthode et le côté opérationnel des règles – comment va-t-on les appliquer ? Je crois que j’ai trouvé le thème des prochaines rencontres que je ferai dans les institutions européennes.

X